ÎLE DU ROI-GEORGE, ANTARCTIQUE – La base antarctique Comandante Ferraz est une station de recherche scientifique qui sera érigée à 1 000 km au sud de l’extrémité de l’Amérique du Sud, au coût de 82 millions d’euros (120 millions de dollars canadiens). Ce bâtiment de 3 200 m2 (34 000 pi2), commandé et entretenu par la marine brésilienne pour le compte du ministère brésilien des Sciences et de la Technologie, sera terminé en 2018. Il assurera aux chercheurs des conditions de vie et de travail sûres et confortables tout en ayant des répercussions minimales sur l’environnement.
Pour que la conception du bâtiment soit optimale, la marine brésilienne l’a confiée à Estudio 41, un cabinet d’architecture brésilien, au terme d’un concours international organisé en 2013. « Il fallait que le bâtiment soit esthétique, qu’il réponde à des besoins techniques formulés en fonction d’un climat extrêmement rigoureux et qu’il garantisse le confort et la sécurité des occupants, explique Emerson Vidigal, architecte en chef d’Estudio 41. En tenant compte de la topographie du site, nous avons créé un espace de travail et de vie optimal tout en limitant au maximum les répercussions du bâtiment sur la faune et la flore environnantes. »
Les architectes ont divisé la station en deux blocs fonctionnels. Le bloc supérieur, qui abrite les espaces de vie des 64 occupants, se compose de cabines et d’aires de repas et de service. Le bloc inférieur, réservé aux postes de travail, comprend 17 laboratoires ainsi que des aires d’exploitation et d’entretien. Un autre étage inférieur abrite le hangar principal et des garages. Enfin, plusieurs aires communes communiquent avec ces trois modules : un auditorium, un cybercafé, une bibliothèque, une salle de réunion et une salle de téléconférence.
Trois principaux facteurs ont présidé à la conception de l’extérieur du bâtiment : la température, les accumulations de neige et la force éolienne. Parée de tôles encastrées faites d’acier revêtu et galvanisé et garnies d’isolant rigide de polyuréthane, la façade est résistante à la corrosion, facile d’entretien et hautement résistante au vent, aux fortes chutes de neige et aux très basses températures. En outre, le bâtiment se compose de préfabriqués modulaires allongés, joints les uns aux autres et disposés en ligne droite pour diminuer la pression du vent. La structure d’acier qui porte les planchers se compose d’un quadrillage de poutres triangulées modulé par des panneaux de 600 sur 1 200 cm (19,7 sur 39 pi). Des contrevents verticaux à treillis portent les toitures. Les murs sont placés à intervalle maximum de 12 m (39 pi). Tous ces éléments sont assis sur un réseau de piliers d’acier qui transfère la charge du bâtiment à la glace.
Pour affaiblir ce qui aurait probablement été le pont thermique le plus extrême du monde, l’équipe du projet a décidé de séparer l’ossature métallique intérieure du bâtiment, ses piliers porteurs et ses escaliers métalliques extérieurs en acier à l’aide de 218 rupteurs de pont thermique IsokorbMD de Schöck.
On parle de pont thermique quand des poutres de charpente en acier ou des éléments de béton coulé qui percent l’enveloppe isolée d’un bâtiment extraient la chaleur des structures portantes intérieures pour les conduire dans l’atmosphère. Ce phénomène présente trois désavantages : il gaspille l’énergie, nuit au confort des occupants en refroidissant les murs et les planchers, et favorise la formation de condensation propice aux moisissures en abaissant la température des surfaces intérieures adjacentes aux pénétrations de l’enveloppe. Problématiques dans tous les climats, les ponts thermiques sont particulièrement néfastes en Antarctique en raison de l’écart thermique considérable entre l’intérieur et l’extérieur et de la difficulté de remédier à ce problème dans un milieu éloigné et inhospitalier.
« Pour assurer l’isolation complète du bâtiment, il était essentiel de poser des rupteurs de pont thermique aux endroits où la structure surélevée rejoignait les colonnes d’acier en contact avec le sol, explique Rui Furtado, ingénieur de projet chez AFAconsult. Nous avons choisi les rupteurs IsokorbMD pour leur polyvalence. D’abord, parce qu’ils sont isolés, ils assurent la continuité de l’isolation du bâtiment, même aux points de contact avec l’extérieur, comme c’est le cas de la majorité des colonnes portantes, qui s’appuient sur le sol. Il devient donc possible d’isoler complètement le bâtiment.
« Ensuite, les rupteurs de pont thermique sont rattachés à la structure d’acier et résistent au cisaillement, à la traction et à l’absorption de pression tout en réduisant radicalement les déperditions de chaleur. Enfin, leur modularité les rend compatibles avec tous les types d’aciers et de profilés d’acier, et ils sont faits d’acier inoxydable, qui présente une excellente résistance à la corrosion. Et j’ajouterai que le soutien technique de Schöck a été crucial dans ce projet. »
L'équipe a installé des éléments porteurs isolants IsokorbMD conçus pour les structures d’acier. Résistants aux forces axiales et au cisaillement, ils se composent d’un bloc de mousse isolante NeoporMD de 80 mm (3,125 po) d’épaisseur maintenu entre deux plaques d’extrémité par des barres boulonnées en acier inoxydable à haute résistance.
CEICE, l’entrepreneur chinois chargé des travaux, s’occupera de fabriquer, monter et démonter les composants du bâtiment avant de les expédier en Antarctique, où ils seront remontés. Parce que le site est loin de tout, que le milieu y est hostile et que la saison pendant laquelle la construction y est possible est courte, tous les problèmes techniques devront être résolus avant le transport. « Pas un seul élément de la structure ne sera placé dans les cargos sans avoir été testé et approuvé », confirme Rui Furtado.
Dans un article de la BBC sur l’évolution des constructions antarctiques, où les stations ultraperfectionnées ont remplacé les huttes d’autrefois, la rédactrice en chef du Polar Journal, Anne-Marie Brady, explique que « les bases antarctiques sont devenues un signe extérieur de richesse, des ambassades du froid où les nations affichent leur intérêt pour le continent. » La présence du Brésil dans la région s’inscrit dans le cadre d’un engagement national de longue date envers les sciences de l’environnement – un programme qui profite à la planète entière. Le bâtiment projeté en est le fruit le plus récent. Avec sa conception de pointe, ses composants perfectionnés et son installation modulaire effectuée à l’autre bout du monde, il révolutionne l’habitat dans le continent austral.
Estudio 41
AFAconsult
Marine du brésil
2020